Maghribna, à la découverte de sa marocanité : Entretien avec Adem

À l'occasion de la future projection du documentaire Maghribna, le 13 Janvier prochain à la Flèche d'Or, Ekram et Shéhérazade nous partagent la présentation de ce quatuor de filles et fils d'immigrés marocains.

DOUBLE IDENTITÉART / CULTURE

Rédigé par Shéhérazade et Ekram

1/11/20244 min read

Le 30 septembre dernier, Shéhérazade et moi avons visionné le documentaire Maghribna. Notre Maroc, réalisé par Wafa Haït et dans lequel figurent Inès, Tassadit et Adem.

Ces quatre filles et fils d’immigrés racontent ensemble leur rapport au Maroc, terre qui est malgré tout la leur.

Je vous conseille par ailleurs de lire la présentation du documentaire de Shéhérazade, afin d’en savoir plus.

C’est Adem Ouald Taben Salah, une des voix-off et participant du documentaire qui répond à nos questions. A 20 ans et originaire de Bondy (93), il est en deuxième année de Sciences Po Paris. Son père est d’origine marocaine, précisément de Marrakech et sa mère est tunisienne, originaire de la ville de Mahres.

Passionné par le cinéma, la politique et le dessin, son rêve est de jouer dans un film.

Comment se crée le sentiment d’appartenance quand on est non pas entre deux pays, mais trois ?

Adem

Interview

Maison Choukrane : As-tu ressenti une évolution dans ton rapport au Maroc depuis le tournage du documentaire ?

Adem : Pour ma part, l’évolution s’est vraiment opérée au moment de décider de participer au projet.

J’estimais avoir peu de légitimité sur la question, car je n’entretenais pas un lien suffisamment fort à mon sens (en comparaison à d’autres). Finalement, c’est la réflexion sur cette question de légitimité qui a opéré un basculement.

Je pense que j’avais surtout besoin de placer des mots sur ce mal-être enfoui. Avec ce documentaire, ça m’a permis d’identifier l’origine du problème et de le panser par la réflexion.

MC : Est-ce que ton rapport au pays et à ton appartenance se traduit aussi au travers de la diaspora ? Par rapport à la non-marocanité de ceux qui t'entourent ?

Adem : Pour ma part, j’ai reçu très peu de culture marocaine de la part de mon père (ma mère est tunisienne). Par conséquent, je n’ai pas tendance à reposer ma marocanité sur la culture qui m’a été transmise (bien que des coutumes arabo-musulmanes fassent partie intégrante de ma vie).

En ce qui concerne la diaspora, il est évident du fait de notre double culture (marocaine/française), nous sommes sujets à divers problèmes. Les questions d’identité ou d’intégration ont tenu à faire de mon cas une volonté de me rapprocher de ma communauté et de ressentir un véritable lien avec cette même communauté.

MC : Ces dernières années, nous avons vécu deux événements majeurs : Le parcours de l’équipe marocaine en Coupe du monde qui a été fédérateur et plus récemment c’est un évènement tragique qui a rassemblé la diaspora, à savoir le tremblement de terre du 8 septembre.

Ces moments influent-ils ton rapport au Maroc ? À la diaspora ?

Adem : Comme précisé précédemment ma marocanité n’est pas spécifiquement liée à ma relation familiale.

Étant un grand fan de football, j’ai pour habitude d’être au courant de l’actualité footballistique. Pour autant, je ne me suis jamais intéressé plus que ça au football marocain. C’est donc avec la plus grande stupéfaction que je me suis surpris à supporter le Maroc avec tout mon cœur (même face à la France). On comprend bien là l’importance d’événements sportifs qui permettent souvent d’unifier un peuple (Nelson Mandela avec la Coupe du monde de rugby).

En ce qui concerne le tragique séisme, j’ai particulièrement été affecté (ma grand-mère résidant à Marrakech). Ces moments de solidarité sont évidemment importants dans des cas de crises et ils permettent selon moi de raffermir d’autant plus les liens qui unissent la communauté.

MC : Le documentaire est-il un moyen d’assurer la transmission culturelle d’une certaine manière ?

Adem : Pour moi, le documentaire ne permet pas nécessairement un transfert culturel marocain.

Il tend beaucoup plus à faire fonction de « mémoire ». Le sujet traite déjà d’une forme d’éloignement de la culture qui renforce un mal-être sur lequel il est nécessaire de réfléchir. Il permettra sans doute à certains de s’éveiller sur la question et de permettre à posteriori une volonté de se cultiver sur le Maroc mais dans son essence même, le documentaire est vraiment une forme « d’excuse » comme l’a décrit Wafa.

MC : Quelle a été ta réaction lorsque tu as pris connaissance du projet ?

Adem : J’ai été tout de suite très intéressé. J’y ai perçu une opportunité pour moi de mettre des mots sur ce que je ressentais dans mon rapport à mon pays d’origine, j’avais besoin de me réconcilier avec ma mémoire et je pense que ça tombait à pic.

MC : Maintenant le projet projeté, quel est ton ressenti ? 

Adem : J’ai enfin pu m’exprimer sur le sujet. J’ai pu entendre le témoignage de personnes qui avaient un vécu différent du mien, et ça m’a conforté dans l’idée que je n’étais pas le seul à me poser ces questions. J’ai l’impression maintenant de pouvoir être un peu plus fier de moi en ayant fait un pas de plus vers ma culture.

Vous pouvez le retrouver sur Instagram : @domjuuaan

Nous avons décidé pour Maison Choukrane de séparer ce quatuor, afin de les entendre chacun sur leur rapport et leur perception propres de leur marocanité.

Rédigé par Ekram et Shéhérazade